Accéder au contenu principal
AUSTRALIE

Comment l’Australie sous-traite ses demandeurs d’asile à des micro-États

Ces demandeurs d'asile rêvaient d’une nouvelle vie dans un pays plein de promesses, mais la plupart ont fini leur voyage dans des centres de rétention installés sur de petites îles à des centaines de kilomètres des côtes australiennes. Des camps qui ont tous les attributs d’une prison.

Publicité

Toutes les photos ont été envoyées à France 24 par des activistes qui sont régulièrement en contact avec des migrants détenus sur l’île de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Ces demandeurs d’asile rêvaient d’une nouvelle vie dans un pays plein de promesses, mais la plupart ont fini leur voyage dans des centres de rétention installés sur de petites îles à des centaines, voire des milliers, de kilomètres des côtes australiennes. Des camps qui ont tous les attributs d’une prison.

Par milliers, des personnes originaires d'Iran, d'Iraq, du Sri Lanka ou d'Afghanistan partent d'Indonésie pour tenter la périlleuse traversée vers l’Australie. Mais rares sont ceux qui atteignent ses côtes.

Carte postée sur le site du gouvernement australien. En haut à droite les îles de Nauru et Manus.

La politique migratoire de Canberra a été durcie en 2012 par l’ancienne Premier ministre Julia Gillard. Cette année-là, elle décide de réintroduire le traitement à distance des demandes d’asile en rouvrant les camps de rétention de deux "pays tiers" : Nauru, micro-État insulaire du Pacifique et l’île de Manus, territoire de l’État de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les migrants illégaux qui se dirigent en bateaux vers les côtes australiennes, y compris les enfants non accompagnés, sont depuis transférés dans ces centres où leur dossier est traité selon la législation locale. En échange, les "pays tiers" reçoivent une compensation financière. Cette législation, contraire à la Convention de Genève sur les réfugiés, a vivement été critiquée par les organisations de défense des droits des réfugiés, ainsi que par les Nations Unies.

Des demandeurs d’asile retenus sur l’île de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, deux alternatives s’offrent aux demandeurs d’asile : soit ils obtiennent le statut de réfugié et restent dans le pays, soit ils sont renvoyés dans leur pays d’origine. Si la Papouasie-Nouvelle-Guinée a déjà accordé l’asile à certains migrants, les groupes de défense des droits de l’Homme ont exprimé leur réelle inquiétude concernant le sort de ces refugiés : le pays est l'un des plus pauvres du monde selon Amnesty International, qui indique par exemple que 50 % des femmes qui y vivent ont été victimes de viol.

Un détenu effondré après sa grève de la faim sur l’île de Manus.

Fin janvier, 700 migrants du centre de Manus, qui en compte plus d’un millier, ont organisé une grève de la faim de deux semaines pour dénoncer leurs conditions de détention. Plusieurs d’entre eux se sont cousus la bouche et quatre personnes ont ingéré des lames de rasoir.

 

Le même centre de rétention avait déjà fait parler de lui l’année dernière : des émeutes avaient éclaté après que des détenus s’étaient vu expliquer qu’ils ne seraient pas autorisés à entrer en Australie.

"Le gouvernement fait tout pour que les migrants ne mettent pas un pied dans le pays"

Reza Nezamdoust est un réalisateur iranien réfugié en Australie. Il est en contact régulier avec des demandeurs d’asile et les avocats qui les représentent.

En 2012, le gouvernement a radicalement changé sa politique. Les droits des demandeurs d’asile ont été réduits comme peau de chagrin. Le gouvernement fait tout pour que les migrants ne mettent pas un pied dans le pays.

Photo de migrants détenus sur l’île de Manus.

 

Ces camps ont été installés sur des îles inhabitées, bien loin de ses côtes. Le camp de Manus est réservé aux hommes seuls, tandis que l’île de Nauru est pour les femmes et les familles. Des dizaines d’enfants y vivent de façon absolument indigne. Le camp se résume à quelques tentes, des toilettes et quelques douches [les détenus y seraient un peu moins d’un millier]. Les températures sont extrêmement difficiles à supporter dans ces régions. Par ailleurs, l’Australie n’a aucune présence sécuritaire sur place. Les autorités embauchent donc des pêcheurs locaux ou des villageois des îles voisines pour faire leur boulot. Ils n’ont aucune formation pour ça et ne savent absolument pas comment interagir avec les réfugiés, encore moins en cas de violences dans un des camps. Un des cas qui a le plus marqué est celui de Reza Barati, un demandeur d’asile iranien qui a été égorgé sur l’île de Manus [en février 2014]. Personne n’a été condamné pour ce crime. [Deux gardes ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête au mois d’août 2014]

Des détenus sur l’île de Manus en Papouasie-Nouvelle-Guinée. On peut apercevoir des gardes à travers le fil barbelé.

Dans certains endroits, ils coupent l’eau ou diminuent les portions de nourriture données aux détenus pour les punir de s'être révoltés. [Le nouveau ministre de l’Immigration de Canberra a nié ces accusations et parlé de déclarations "irresponsables"

Pour moi, les autorités australiennes mentent sur la situation des camps. L’ambassadeur australien en Iran a même dit qu’il y avait des docteurs et des psychologues mais ces affirmations ne sont basées sur rien. Au contraire, les gardes n’hésitent pas à menacer les détenus [Selon le quotidien britannique "The Guardian", un garde a menacé de mort et de viol un demandeur d’asile qui envisageait de s’installer en Papouasie-Nouvelle-Guinée].

Photo de détenus sur l’île de Manus Island en Papouasie-Nouvelle-Guinée.  

Amnesty International rapporte que les détenus du camp de Manus vivent les uns sur les autres, manquent d’eau et n’ont pas accès aux soins médicaux. Selon notre Observateur, l’accès aux téléphones et à Internet est aussi extrêmement limité.

En "sous-traitant" les dossiers des demandeurs d’asile à l’étranger, le gouvernement australien a coupé les liens entre migrants et les activistes ou les médias. Seuls quelques uns ont des téléphones portables qu’ils utilisent pour envoyer des photos ou des messages.

Ces personnes sont le maillon le plus faible du trafic d’êtres humains. Si le gouvernement veut endiguer l’immigration illégale, il faut informer les migrants avant qu’ils prennent la route. Je connais tellement d'Iraniens qui ont cru sincèrement qu’ils auraient une vie meilleure et un travail en Australie.

Des gardes dans le camp de l'île de Manus.

Le gouvernement de coalition du Premier ministre Tony Abbott s’est défendu face à ces critiques en expliquant que renvoyer les bateaux était le seul moyen de décourager les migrants de se lancer dans ce voyage.

Après ce mouvement de protestation, le ministre de l‘Immigration Peter Dutton a quand à lui affirmé qu’il n’y aurait aucun changement dans la politique migratoire australienne.

 

Un detenu en grève de la faim est transporté sur un brancard.

Des détenus en grève de la faim sur l'île de Manus.

Billet écrit avec la collaboration d’Andrew Hilliar (@andyhilliar) et Ershad Alijani (@ErshadAlijani).

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.